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Lorel : “Écrire a été ma thérapie”

Zoé Frésard 11 novembre 2020
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© Lorel

Nous avons eu le plaisir d’interroger Lorel, jeune auteure prometteuse de 21 ans, sur son parcours, de ses débuts sur Wattpad à la publication de son premier roman papier en passant par son rapport au monde de l’art, à la liberté et à l’existence. Le futur de l’écriture dans toute sa splendeur.

Bonjour Lorel ! Je suis très contente de pouvoir te poser quelques questions. On t’a découverte sur l’application d’écriture Wattpad en 2017, est-ce que cette passion pour l’écriture est née avec ton arrivée sur la plateforme ou bien elle est ancrée en toi depuis plus longtemps ?

J’écris depuis que je suis toute petite. Dans mes souvenirs, ma première histoire remonte à la classe de CP. L’écriture a toujours fait partie de ma vie mais je l’ai en quelque sorte laissée de côté, à l’abri des regards indiscrets, car j’ai toujours eu le sentiment qu’elle était personnelle et privée et qu’elle devait le rester. L’écriture c’était mon échappatoire, quand mon imagination débordait, je me devais de mettre ça sur papier. Mes premiers écrits étaient des journaux de bords non pas accès sur ma vie personnelle mais plus sur un genre politique.

Comment es-tu arrivée sur la plateforme Wattpad et comment as-tu réussi à t’y faire un nom ?

Après avoir essuyé un échec sur mon blog à l’âge de quinze ans et fait une pause dans mon écriture pendant un an et demi, j’ai découvert l’application Wattpad en 2016 grâce à un article satirique qui traitait des “fan fictions”. J’étais très intriguée et amusée de voir ces jeunes adolescentes, pour la plupart, illustrer leurs rêves et fantasmes sur des artistes tels que Nekfeu ou les One Direction (rires). Mais l’ironie du sort a fait que je me suis moi-même retrouvée à écrire une fan fiction sur mon tout premier compte, qui n’est pas celui d’aujourd’hui, et sur laquelle j’ai atteint les 18 000 lectures. Vers la fin de l’écriture de cette fiction j’ai décidé de créer un autre compte, plus pertinent, sous le nom de xxlorelxx. Puis un soir, inspirée et motivée, je me suis munie de mon téléphone et j’ai écrit les dix premiers chapitres de mon fameux roman Cinq Heures de Train. Je les postais donc petit à petit et c’est ainsi que les lectures et les abonnées ont augmentés jour après jour.

Aujourd’hui, combien de lectures recenses-tu sur Cinq Heures de Train, le premier opus de ta trilogie ?

Le livre ayant été publié en version papier il n’est plus disponible sur Wattpad, donc le nombre n’augmentera plus mais je suis à 4,05 millions de lectures. Je n’arrive toujours pas à m’en rendre compte, c’est incroyable. Je me souviens du jour ou j’ai atteint le million de lectures comme si c’était hier, c’était le 7 juillet 2017, j’étais en vacances avec mes grands-parents quand j’ai reçu la notification du million. Je n’arrivais pas à y croire, je voulais exprimer ma joie mais je n’avais personne à qui en parler à part mes lectrices. Un des moments les plus forts de ma vie mais aussi un grand moment de solitude.

Avoir fait le choix de l’anonymat a donc des désavantages ?

Bien plus qu’on ne le pense. J’ai fait le choix d’être anonyme et de ne pas parler des mes écrits à mes proches, c’était trop dur à gérer, j’avais peur des réactions des gens qui m’entouraient. Je ne me sentais pas prête à dévoiler cette grande partie de moi à des gens qui pensaient me connaître par cœur. Je crois qu’au fond de moi, je voulais contenter un maximum de gens et j’appréhendais le fait de ne pas pouvoir plaire à tout le monde. J’ai finalement sauté le pas un jour, en le disant à mon groupe d’amies très proches et elles ont très bien réagi. Je ne me rendais pas compte que l’écriture était ma vocation et qu’elle était la porte d’entrée vers un univers qui me correspondait vraiment.

Peux-tu nous parler de ton rapport à l’art, qui est un thème récurrent dans tes différents romans ?

J’aime l’art depuis que je suis toute petite mais d’une manière beaucoup moins intense que l’écriture. Très tôt, j’ai mis un pied dans ce domaine en commençant à faire de la danse ainsi que de la gymnastique rythmique. J’ai été sportive de haut niveau pendant 3 ans. Malheureusement ce rêve de petite fille a pris fin pour certaines raisons et j’ai non seulement claqué la porte de la danse mais aussi celle du monde de l’art en général, je me suis recentrée sur mes études et mis entre parenthèse ma fibre artistique. Quelques années plus tard, je m’y suis de nouveau intéressée grâce au cours d’histoire de l’art au collège et par dessus tout grâce au cours de littérature au lycée, où j’ai découvert et lu pour la première fois Les Fleurs du mal de BaudelaireCe moment-là a vraiment été déclencheur car il m’a réconciliée avec l’art et m’a inspirée dans ma manière d’écrire. Je pense d’ailleurs que ça se ressent dans mes écrits (rires). C’est l’aspect visuel et sensoriel qui me touche le plus dans ce qu’il fait.

L’art a donc une grande influence sur tes écrits, surtout pour Cinq Heures de Train, je me trompe ?

Non, tu as totalement raison. Le personnage principal de mon roman, Lola Stuart-Martin, est une artiste peintre, photographe et même directrice artistique, donc ça annonce déjà la couleur sur les thèmes abordés dans le roman. Le fait d’écrire sur Lola qui peint m’a donné envie de prendre un pinceau et de m’y mettre aussi pour mieux comprendre ce que ce personnage pouvait ressentir, afin de le retranscrire le plus fidèlement possible. Je débordais de créativité, sûrement celle que je contenais depuis tant d’années, et en trois ans j’ai fait environ cent-cinquante œuvres que ce soit du dessin ou de la peinture, principalement abstraite pour cette dernière. L’art nourrit donc beaucoup mon écriture, que ce soit les arts plastiques ou la musique, qui est aussi un thème majeur dans Cinq Heures de Train avec le personnage d’Eden Pétridis alias Phoenix, jeune rappeur.

Où en es-tu dans la rédaction du tome 2 ?

C’est un sujet sensible (rires). Je suis un peu fâchée avec l’écriture en ce moment, je pense que tout est arrivé si vite que je réalise à peine que j’ai publié mon premier roman papier, que je dois déjà m’atteler à la réécriture du tome 2, dont j’ai perdu beaucoup de chapitres par ailleurs. J’ai réalisé que j’avais peur quand l’une de mes amies m’a dit que j’avais reçu des avis de lecteurs sur Amazon, c’était rien en soi mais ça me bloque pour écrire. Je n’arrive même pas à relire mon propre livre (rires), je suis très critique envers moi-même et ça me bloque aussi dans l’écriture de mes romans en cours sur Wattpad, comme Frontière dont les prochains chapitres sont très attendus par mes lecteurs. J’essaie de me surpasser à chaque fois, je veux que le nouveau chapitre soit toujours meilleur que le précédent, c’est une dynamique qui revient beaucoup chez moi.

Tu as fait le choix de l’auto-édition, pour quelles raisons ?

Au tout début, je voulais que le livre soit publié par une maison d’édition mais ce n’est pas si simple que ça, j’ai reçu des refus de quatre grandes maisons d’édition. Le livre était trop long, la mise en page trop différente et hors des codes classiques, à cause entre autres de la présence de calligrammes. Puis un jour, ma grand-mère est venue me voir, sachant que l’écriture est ma passion et que j’avais un roman presque prêt à être imprimé, elle a proposé de m’offrir les frais de l’auto-édition. J’ai donc mis une année à peaufiner mon livre et à trouver IggyBook, une plateforme d’auto-édition qui m’a permis de devenir auto-éditeur et de garder mes droits d’auteur, ce qui est très important pour moi. En plus, j’ai pu faire de très longs remerciements, comme je les voulais (rires).

J’aimerais qu’on revienne sur certains liens que j’ai fait entre tes trois œuvres les plus lues, Cinq Heures de Train, Frontière et Le Journal d’une Inconnue. Les notions d’aventure, d’évasion et de liberté sont récurrentes, peux-tu m’en dire plus ? Où est-ce que tu trouves l’inspiration ?

En réalité, c’est très spontané de ma part d’aborder ces thèmes. La liberté c’est un peu le fondement de mon existence si je puis dire. J’essaie de vivre ma vie en faisant en sorte d’être la plus libre possible, sans contraintes, même si c’est très compliqué. À l’époque où j’ai commencé à écrire sur Wattpad, je ne me sentais pas du tout libre dans ma vie et pouvoir aborder ces sujets dans mes romans, de manière fictive, m’a tout doucement amenée sur le chemin de la liberté. Que ce soit le personnage de Lola, de Maya ou de Fabio, ils sont très libres, ils veulent suivre leur instinct et n’obéir qu’à eux-mêmes. Et pour répondre à la question sans paraître prétentieuse, ma première source d’inspiration c’est moi-même et les choses que j’ai vues, entendues et vécues.

Pour finir, est-ce que toi aussi comme Lola, ton personnage, tu as juste envie d’exister ?

Qui dit question complexe dit réponse plutôt abstraite et métaphorique de ma part (rires). Je considère qu’intérieurement une partie de moi est morte depuis plusieurs années, que quelque chose s’est brisé en moi. Pendant longtemps je vivais sans vraiment être là, ni ressentir les choses. Puis petit à petit j’ai commencé à aller mieux, à vouloir exister réellement, même si selon moi la notion d’existence est très large et compliquée. Écrire a été ma thérapie et j’ai réussi à prendre conscience que j’étais présente non seulement physiquement mais aussi du point de vue de mon âme et de mon être.

Propos recueillis par Zoé Frésard

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